Paris le 17 Avril 2000
L'Internet bouleverse la donne : risques et opportunité pour les professions libérales

Les "professions libérales" sont des entreprises à part entière et, comme les autres, vont être profondément bouleversées par la révolution Internet

Danger ou opportunité ? L'un et l'autre tout à la fois mais à coup sûr la tempête va souffler

Dans la nouvelle économie qui émerge, y a-t-il encore place, pour les petites entreprises ?

Le phénomène de mondialisation de l'économie auquel nous assistons, notamment sous l'influence d'Internet, exige d'un côté puissance et capacité d'investissement : il conduit aux gigantesques concentrations en "World Companies" que l'on observe chaque jour.

Mais, dans le même temps, cette mondialisation exige aussi créativité, souplesse et réactivité, qualités propres aux microentreprises, (alors que les grandes structures, pour cause de lourdeur des mécanismes de prise de décision et des règles sociales qui les régissent, sont peu manoeuvrantes). Aussi constate-t-on, parallèlement à ces concentrations, l'allègement des états-majors, l'externalisation de nombreuses tâches et donc le développement de très nombreuses entreprises souvent uni-personnelles accomplissant des fonctions jusqu'alors assurées en interne

Par ailleurs, une des spécificités d'Internet est d'offrir d'innombrables possibilités de choix pour le client comme pour le fournisseur. Mais cette richesse dans le choix pose elle-même de redoutables problèmes

*de confiance : ce fournisseur existe-t-il ? Ses produits sont-ils de qualité ? Que se passe-t-il si je ne suis pas satisfait ? Ce client est-il solvable ? Ce sous-traitant est-il fiable ? Ce partenaire a-t-il une bonne santé financière ?

*de conseil : devant un tel éventail de choix quelle décision prendre ? : un seul exemple, il y a cinq ans une sicav de trésorerie acquise dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie cumulait rentabilité, liquidité, sécurité et fiscalité. Aujourd'hui il faut jongler entre Nasdaq, investissement direct, caisse d'épargne, produits indiciaires,... : les compromis entre sécurité, liquidité, rentabilité et fiscalité offrent infiniment plus de possibilités mais deviennent extrêmement complexes et mouvants. La qualité du conseil devient primordiale et les professions libérales, les courtiers notamment, qui sont au service du client pour l'aider dans son choix et ne cherchent pas à écouler le produit de telle banque ou de telle compagnie d'assurance sont une profession qui devrait se développer au détriment des agences. De même les experts-comptables devraient voir leurs fonctions de conseiller se développer encore

Certains pouvaient penser que l'Internet allait supprimer les intermédiaires : Certes tous ceux qui se sont installé dans le confort des "charges héréditaires" de l'ancien régime et qui, à l'abri de leur monopole, avaient tendance à allier compétence faible, délais longs et coûts élevés sont condamnés à brève échéance (et d'ailleurs toutes les professions réglementées, protégées de la concurrence, sont sans doute de ce fait plus vulnérables que les autres et ce sont les premières qui devraient entreprendre une réflexion stratégique sur leur avenir...).

Mais que d'opportunités nouvelles pour ceux qui sauront s'investir dans les créneaux du conseil ou de la confiance, les deux mamelles de l'Internet (la célèbre règle des deux con) : les professions libérales sont nombreuses à tirer leur légitimité de leurs performances sur ces deux créneaux, il va leur falloir réussir à transposer ces compétences à la nouvelle économie

Un autre facteur clé de l'Internet est l'émergence de communautés : les technologies qu'il offre fournissent à celles-ci le système nerveux qui en font de puissants acteurs de la nouvelle économie.

Basée sur la confiance entre ses membres, la communauté peut tout à la fois

* capitaliser le potentiel "d'intelligence" et d'expertise de ses membres pour définir tant ses besoins que ses potentialités (voir la communauté des traducteurs)

* mobiliser la puissance de négociations que représente sa capacité d'achats groupés (voir sur ce point la communauté des chirurgiens de la main américains)

*offrir une meilleure visibilité à chacun de ses membres et leur offrir la puissance (sans la lourdeur) des grandes entreprises (exemple des architectes breton)

* Mais ces communautés ont aussi besoin d'un "network broker", facilitateur et animateur de communauté, pour favoriser leur création et en assurer l'animation : " network broker", une nouvelle profession libérale ?

des opportunités donc...

Sans même parler de l'émergence de nouveaux métiers qui s'exerceront bien souvent en professions libérales (architecte de site, infographistes, animateur de réseaux,... ), Internet, gommant distance et frontières (en temps comme en coût) offre l'opportunité de trouver de nouveaux clients y compris à l'International en leur apportant des services plus performants que ceux dont ils disposent actuellement. Consultant, courtier, avocat, journaliste, traducteur, chasseur de têtes, professionnels de l'immobilier : que de nouveaux marchés s'ouvrent...

Mais aussi des dangers : ... mais que de nouvelles sollicitations potentielles pour vos clients actuels !

En ce qui concerne les professionnels de santé on aurait pu penser qu'ils seraient à l'abri de cette révolution : il suffit de voir l'explosion dans les pays de l'OCDE de sites qui vous offrent consultation médicale et livraison de médicaments pour se convaincre que ce qui pouvait paraître "improbable" avance déjà à grands pas

Des régulations, secrétées par des siècles d'histoire, vont être profondément remises en cause

Beaucoup de professions libérales ont au sein de leurs instances (ou à travers une réglementation) interdit le recours à la publicité pour leurs membres (mais ont néanmoins autorisé la "pose d'une plaque" pour que le malade ou le plaignant, arpentant les rues, puisse trouver l'homme de l'art)

Mais qu'est-ce que poser sa plaque sur Internet ? Quelle réglementation restreint la possibilité de délivrer une information, un conseil en permettant ainsi en un clic le contact avec de nouveaux clients ? Qui interdit de publier des articles de qualité dans des sites drainant un large public et d'acquérir ainsi une forte notoriété ?

Un des meilleurs sites de communauté, celui des diabétiques, a été créé par un fabricant de médicaments qui, bien entendu, y promeut sa production : va-t-on interdire aux malades français de consulter ce site ? Va-t-on interdire à ce laboratoire de vendre ses médicaments en France ?

Des sites remarquables permettent aux malades d'accéder un niveau de compétences sur leur maladie qui peut être supérieur à celle de leur médecin traitant créant ainsi des situations parfois délicates : va-t-on leur interdire l'accès à ces sites ?

Comment aider les entreprises exerçant en libéral, qui seront de plus en plus un élément de compétitivité globale de notre économie, mais qui parfois peuvent avoir le sentiment que leur petite taille et leur notoriété locale les met à l'abri des mutations que nous allons connaître ? Comment leur montrer les dangers qu'elles risquent de ne pas voir venir à temps ? Comment les aider à se saisir des opportunités nouvelles ?

Rien ne vaut pour cela le travail de terrain, illustrant l'analyse stratégique par de nombreux exemples concrets : le tour de France entrepris par l'APIPL, qui permettra en outre de détecter les "bonnes pratiques" qui émergent progressivement afin de permettre leur diffusion dans d'autres régions, me paraît sur ce plan une excellente initiative qu'il contient d'encourager